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L'Ecole de Jules
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7 octobre 2008

Une grève ou un coup anglais ?

Je reçois depuis quelques jours des avis de grève émanant de plusieurs syndicats : "Tous en grève le 7 octobre", "stop!", "halte!" et autres discours revendicatifs chargés de sens. Tiraillée entre mes convictions profondes (le désir de défendre certains principes dans l'Education) et ma perplexité quant à l'efficacité de la grève, jai dû revenir sur quelques fondamentaux afin de pouvoir effectuer un choix élcairé ce matin. La grève donc... Un mot en apparence banal mais qui me contraint tout de même à ouvrir le dictionnaire : "Cessation collective et concertée du travail décidée par les salariés". Deux adjectifs me heurtent dès la première lecture : "collective", "concertée"... Que reste-t-il de "collectif" dans un monde où des égos surdimensionnés s'affrontent à longueur de journée ? Quant à la "concertation", c'est une notion passée du statut de mirage à celui de mythe total... Refusant néanmoins de céder au découragement dès les premières lignes, j'approfondis ma recherche et découvre alors l'origine du mot. L'on dit que l'expression "faire la grève" remonterait au temps où les chômeurs se rassemblaient sur la Place de Grève, à Paris, afin d'y être embauchés. Une sorte d'ANPE de l'époque, en somme, cette place, où accessoirement, l'on dressait des gibets pour alléger l'effectif carcéral. Mais l'histoire ne s'arrête pas là, car cette place est également devenue célèbre pour ses rassemblements de travailleurs mécontents, qui "retournaient en grève" dans l'attente de meilleures conditions de travail. Voilà. Tout s'explique. Cette place symbolique de la Capitale, rebaptisée depuis 1830 "Place de l'Hôtel de Ville" a donc donné son nom à une expression qui désigne aujourd'hui, par extension, toute cessation d'activité dans un but revendicatif. Alors, des revendications, oui, mais cesser de travailler nous assure-t-il vraiment d'obtenir satisfaction ? Quand on est électricien, sans doute... On débraye, on plonge la France dans le noir et, très vite, on voit arriver les patrons, une torche électrique à la main, qui soupirent : "Bon, qu'est-ce que vous voulez ?" Mais quand on est prof... Nous ne sommes malheureusement pas dans une société qui considère la non-transmission du savoir comme une catastrophe nationale. Aussi, les grèves dans l'Education Nationale n'ont qu'un impact limité sur le public scolaire et se traduisent avant tout par une perte de salaire pour les enseignants grévistes, ce dont le Ministère ne manque pas de se réjouir. Dès lors, l'on peut légitimement se demander quel est l'intérêt d'un tel moyen d'action.

J'entends d'ici mes "camarades" syndicalistes s'indigner : "Et alors ? Qu'est-ce qu'on fait ? On reste les bras croisés ? On laisse les postes partir en fumée, le niveau d'éducation baisser d'année en année ?" Bien sûr que non... Mais la grève doit, à mon sens, être une lutte. En cela, je me rapproche de l'idée britannique de "strike" (en français, "frapper"). Il faudrait que la grève fasse trembler au lieu d'amuser nos dirigeants. Et la grève ne fera trembler que lorsque certains collègues auront enfin abandonné leurs scrupules quant aux méthodes qu'ils qualifient de "prise en otage des élèves", à savoir, le blocage des notes et des examens. Une grève, oui, mais ciblée, sans scrupules. D'ailleurs, on ne prend pas les élèves "en otage" : on défend leur droit à bénéficier d'un système d'éducation de qualité. La nuance mérite d'être examinée, non ? Certains élèves l'ont bien compris, qui suivent volontiers le mouvement revendicatif des enseignants (cf. les grèves lycéennes de mai 2008). Alors, la grève, oui, mais celle qui fait mal, et pas seulement au portefeuille du gréviste. Evoquant le droit de grève et de manifestation, Coluche ironisait ainsi : "En France, on a le droit d'être en colère : il faut juste le demander gentiment". Je crois que l'heure n'est plus aux demandes courtoises... Alors, j'attends q'un délégué syndical se pointe en salle des profs, la chemise déboutonnée, les cheveux en bataille, lançant un cri primal digne d'un mineur anglais en colère : "We're out !". Et là, je me lèverai telle une Calamity Jane armée d'un stylo rouge que je pointerai vers une cible imaginaire, et je déclarerai d'une voix inquiétante, presque surnaturelle : "It's gonna be hell to pay* !".

* "ça va barder!"

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